J’ai repéré un article sur internet dont la thématique est «Actualité française».
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Titre exacte donné par le journal était: Fred Zinnemann, l’homme du cinéma
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« Peindre les hommes » : c’est le titre de l’exposition que le musée d’Orsay consacre à Gustave Caillebotte… Ce pourrait être aussi celui de l’exceptionnelle rétrospective Fred Zinnemann organisée par le 15e festival Lumière. Jusqu’au dimanche 20 octobre, le public lyonnais a la chance de plonger – grâce à un ensemble étincelant de restaurations et de rééditions – dans une sélection des films de cet homme de la Mitteleuropa, né dans une ville de l’empire austro-hongrois (Rzeszow, en Pologne actuelle) en 1907, et devenu, après un apprentissage auprès du grand documentariste Robert Flaherty, l’un des meilleurs réalisateurs du Hollywood de l’âge d’or.
Qu’est-ce qui fait un homme ? Telle est la grande question qui hante le cinéma de Fred Zinnemann, comme le suggèrent du reste plusieurs de ses titres français : C’étaient des hommes (1950), Tant qu’il y aura des hommes (1953), Un homme pour l’éternité (1966)… Sa maturité de cinéaste coïncide avec l’après-Seconde Guerre mondiale, moment délicat aux États-Unis où la réalité du conflit a fracassé les certitudes, brouillé les repères. Comme on le voit dans les nouvelles de John Cheever et les romans de Richard Yates, une fracture intime se dessine entre l’homme blessé qui a vécu l’horreur du front et la façade de bien-être et de respectabilité qu’il faut présenter à un monde soucieux de bienséance et épris de la figure du héros.
De tous les grands réalisateurs en activité à l’époque, Zinnemann est le plus sensible aux traces que laisse la guerre dans la vie d’hommes ordinaires, ni meilleurs ni pires que d’autres mais sortis transformés de leur rencontre frontale avec la violence. C’est d’abord parce qu’il est le fils d’un vétéran de la Première Guerre mondiale, durablement traumatisé par le temps passé au front. Et puis il a étudié à Vienne et fait ses débuts dans l’Allemagne de la République de Weimar, aux studios de Babelsberg. Il est donc issu de cette Europe dévastée par les nazis… Une expérience qui donne toute sa profondeur aux Anges marqués (1948), son film sur un jeune survivant d’Auschwitz en quête de sa mère (Michel Hazanavicius en a signé le remake en 2014, The Search).
Un acte de violence, chef-d’œuvre méconnu
Dans l’éblouissant Un acte de violence (1948), une rareté dont la Warner a édité une copie spécialement pour le festival Lumière, un jeune père de famille bien sous tous rapports (il est joué par Van Heflin, sympathique présence de la MGM de l’époque au point d’incarner Athos dans Les Trois Mousquetaires) se révèle avoir commis, lorsqu’il était prisonnier de guerre, un acte d’une lâcheté innommable. Le cinéaste adopte une mise en scène hitchcockienne pour évoquer la menace (un ancien camarade de l’armée en quête de vengeance) qui pourrait pulvériser sa vie paisible. Le film joue avec l’allégeance du spectateur, qui se retrouve à souhaiter tantôt que le « héros » si peu héroïque s’en sorte indemne, tantôt à le juger impardonnable et à vouloir son châtiment.
Tant qu’il y aura des hommes (1953), d’après un roman célèbre de James Jones, raconte les destins croisés de plusieurs soldats d’une base militaire américaine dans les semaines qui précèdent Pearl Harbor. Fred est particulièrement attentif à la souffrance du soldat Prewitt (Montgomery Clift), qui porte la culpabilité d’avoir jadis handicapé à vie un adversaire à la boxe et se fait brutaliser dans sa nouvelle unité… Vulnérable, bouleversant, le personnage trouve un allié tout aussi touchant en Angelo Maggio (Frank Sinatra), victime expiatoire de l’inhumanité du groupe. Ce film admirable forme un diptyque avec C’étaient des hommes, qui offre son premier rôle au cinéma à Marlon Brando et s’intéresse à des vétérans paraplégiques, eux qui mènent, précise le carton initial, « la plus grande des batailles » : celle pour rester soi, malgré le traumatisme et le handicap.
Le héros déchiré
Dans ses films d’action – le western Le train sifflera trois fois (1952), le thriller Le Chacal (1973) autour d’un attentat fomenté par l’OAS contre le général de Gaulle –, Fred Zinnemann se montre tout aussi attentif à la question centrale du héros, ce rôle masculin traditionnel. Est-ce un héros, celui qui, comme le shérif que joue Gary Cooper dans le western pensé comme une allégorie antimaccarthyste, défie la volonté populaire pour combattre le Mal ? Et y a-t-il encore des héros dans le monde glacial et impitoyable du Chacal ? À qui le spectateur peut-il s’identifier alors que l’on suit pas à pas un tueur à gages ?
« Il y a deux mille ans, Hillel, un des inspirateurs du Talmud, posait cette question, racontait Fred Zinnemann dans un entretien. “Si je ne suis point moi-même, qui le sera pour moi ? Et si je ne vis que pour moi-même, qui vivra pour moi ?” C’est un thème qui me paraît d’une portée universelle. C’est un combat qui peut opposer l’individu qui cherche à suivre sa propre voie à la communauté, tout autant qu’un dilemme purement intérieur qui déchire un personnage, l’opposant non plus à un ennemi mais à lui-même. »
La question de l’opposition avec soi-même est centrale chez ce grand cinéaste de l’intériorité. Le film qui lui vaut l’oscar du meilleur réalisateur est d’ailleurs le très beau Un homme pour l’éternité (1966), centré sur le dilemme moral de Thomas More, homme de foi auquel Henry VIII demande de se trahir pour assouvir sa passion du moment. Qu’est-ce qui fait un homme ou plutôt qu’est-ce qui déchire un homme ? Une question pour l’éternité.
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